2016 Hybridités France-Chine en Partenariat avec la Revue d’Histoire du Théâtre: Théâtres de langues chinoises. Perspectives contemporaines
Revue d’Histoire du Théâtre • Numéro 271 est consacré au théâtre de langues chinoises pour le premier fois, autrement dit à une série de réflexions sur les spectacles de la République Populaire de Chine, sur ceux de Hong-Kong et ceux de la République de Chine (Taïwan) : diversité, oppositions et parfois complémentarités obligent ainsi au pluriel.
Praticiens, metteurs en scène et chercheurs, très majoritairement chinois, ont donc ici l’occasion de présenter un état des lieux du théâtre tel qu’il se produit aujourd’hui.
Entre la patrimonialisation du répertoire et son actualisation, entre le refus du divertissement commercial, pourtant si présent et si rentable, et l’obstination d’un certain théâtre expérimental, entre un théâtre officiel subventionné et surveillé et des spectacles plus libres soutenus par différents mécénats, la/les Chine(s) hésite(nt), s’ouve(nt) aux cultures du monde (surtout occidental) tout en revendiquant la promotion d’une culture nationale.
Société des Historiens du Théâtre
La « Société des Historiens du Théâtre » a été fondée en 1932 à l’initiative d’Auguste Rondel, dont la bibliothèque léguée à la Bibliothèque nationale de France est à l’origine de la création du département des Arts du spectacle.
Sous sa présidence, un groupe de professeurs, de chercheurs, d’érudits, de collectionneurs, d’archivistes et d’hommes et de femmes de théâtre s’associent pour mettre en commun leurs recherches et travaux : Ferdinand Brunot, Léon Chancerel, Jacques Copeau, Max Fuchs, Félix Gaiffe, Madeleine Horn Monval, JG Prod’homme.
C’est ainsi que naît la Société d’Histoire du Théâtre, espace dédié à la collecte, à la conservation, à la transmission et à l’analyse de documents et d’archives sur l’histoire des spectacles et de la vie théâtrale, en France et dans le monde.
Léon Chancerel 1917/1918
« Pour beaucoup, l’histoire du théâtre se réduit encore à l’analyse des pièces imprimées. […] L’histoire du jeu, du décor, de la machinerie, est mal connue et quelque peu dédaignée. ». « Notre société voudrait rapprocher l’homme de la bibliothèque et l’homme du plateau, faire une brèche dans la muraille de Chine qui sépare l’histoire de la littérature dramatique et l’histoire de l’art scénique »
— Léon Chancerel
Revue d’Histoire du Théâtre
La Revue d’Histoire du Théâtre est une revue trimestrielle, créée en 1948 et soutenue par la Direction Générale de la Création Artistique (Ministère de la Culture) et la Bibliothèque nationale de France. Elle publie des textes inédits, s’attachant à transmettre l’histoire des arts du spectacle, du Moyen âge à nos jours.
Revue d’Histoire du Théâtre • Numéro 271
Thématique: Théâtres de langues chinoises. Perspectives contemporaines
Période: Juillet-Septembre 2016-III
Publication: Société d’histoire d’Histoire du Théâtre
Soutien: Ministère de la Culture et de la Communication, Institut Universitaire de France, Histoire de l’Art et Représentation
Partenaire: Association Hybridités France-Chine
Résumés de dossier
©Musée du Théâtre de l’art du Peuple de Pekin
©Meng Jinghui studio
Introduction : Quelques aspects du théâtre contemporain en République Populaire de Chine, en République de Chine et dans la région administrative chinoise de Hong Kong.
Christian Biet, Wang Jing
Le théâtre ici traité est le théâtre en langues chinoises, au pluriel, car la diversité esthétique et politique de ces spectacles est très importante. Théâtre de répertoire ou théâtre contemporain, patrimonialisation ou dynamisme du répertoire, divertissement commercial rentable ou théâtre expérimental financièrement soutenu, théâtre subventionné et libre ou théâtre d’Etat surveillé, mécénat ou sponsoring, ouverture aux cultures du monde (surtout occidental) ou volonté de promouvoir une culture nationale, unification du champ culturel ou reconnaissance d’une série de cultures sur plusieurs territoires, le spectacle en langues chinoises hésite et n’a pas encore choisi.
©Denis Rion
Regard sur la scène contemporaine chinoise
Shao Zehui
Cet article fait le point sur les trois tendances du théâtre de Chine continentale : les créations de la « mélodie principale » autrement dit le théâtre soumis au regard de l’Etat, celles qu’on peut qualifier de « commerciales » et le théâtre indépendant, ou expérimental, qui a du reste bien du mal à vivre. S’il y a eu, longtemps, une certaine porosité entre ces trois catégories, on peut regretter que le théâtre commercial, pour l’instant, s’impose parfois au détriment de la réflexion et tout simplement de la pensée.
Théâtre, théâtre chinois, théâtre taïwanais, théâtre en langue chinoise…?
Alain Milon, Huang Shu-Ping, Wang Wan-Ju, Wang Shih-Wei
1.De la colonisation à la décolonisation : L’évolution de la signification de l’Opélà-hì Huang Shu-Ping
2.L’introduction et l’évolution de l’opéra de Pékin à Taïwan Wang Wan-Ju
3.Émergence du théâtre d’avant-garde à Taïwan depuis 1985 Wang Shih-Wei
4.Dialogue avec Ma Chao-Chi Propos recueillis par Wang Wan-Ju
Après avoir interrogé la lecture orientaliste des intellectuels français des années soixante-dix, l’intention de ces articles est de réfléchir sur la spécificité du théâtre taïwanais par rapport à l’influence qu’exerce le théâtre traditionnel chinois. Ce parcours s’organise autour d’une réflexion sur l’évolution de l’Opélà-hi, sur l’opéra chinois tel que la culture taïwanaise se l’approprie, mais aussi autour de l’avant-garde théâtrale taïwanaise des années quatre-vingt. L’ensemble se termine par un regard sur une compagnie théâtrale innovante : le théâtre de la Sardine, théâtre qui croise les influences occidentales et extrême-orientales.
©Li Songshu
©Li Songshu
Le Théâtre à Hong Kong aujourd’hui
Song Bao Zhen
Après avoir rappelé l’histoire (depuis 1841 et surtout 1909) et les spécificités du théâtre de Hong Kong, cet article s’interroge sur la manière dont les spectacles ont évolué depuis 1997, année du rattachement de Hong Kong à la Chine continentale. Si, lors même que le théâtre tend à se développer considérablement dans notre période contemporaine, il faut bien admettre que les formes commerciales dominent, on peut aussi noter qu’il existe bien des pôles de résistance, dont le Hong Kong Repertory Theatre dont cet article donne quelques exemples de mise en scène, car il reste urgent de penser les rapports entre l’histoire, le théâtre et la politique.
©LI Yannian
La marionnette contemporaine en Chine continentale, à Hong Kong et à Taïwan
Wang Xiaoxin
Trois des metteurs en scène contemporains les plus dynamiques du monde chinois, Ma Lu (Chine continentale), Ata Wong Chun Tat (Hong Kong) et Cheng Chia-yin (Taïwan) font le point sur l’art marionnettique tel qu’il est pratiqué aujourd’hui. Après qu’on a pu croire à une lente disparition, il apparaît que des formes nouvelles, de nouvelles pistes de réflexion apparaissent et qu’on peut mettre au jour une tendance très nette à s’éloigner de l’illusion, du réalisme et de l’art pour enfants. C’est dans la pratique ostensible du métier, la revendication d’une technique qu’une innovation advient.
©SDAC
La place et le traitement de l’histoire et des traditions chinoises dans le théâtre contemporain de Shanghai
Ivan Ruviditch
Cet article présente un certain nombre de pièces produites dernièrement par le Centre d’art dramatique de Shanghai, la principale institution théâtrale de la ville. Il s’intéresse plus particulièrement aux pièces historiques, et non aux pièces plus commerciales, ou de divertissement, portant sur la Chine ancienne ou mythique et sur la période révolutionnaire. L’Histoire, souvent traitée comme un faire-valoir, y revêt un enjeu culturel et politique majeur: tantôt réécrite, tantôt instrumentalisée, elle permet de remettre à l’honneur une certaine idée du confucianisme ou de servir, croit-on, le rayonnement culturel chinois. Mais à force de se plier à diverses injonctions politiques, non seulement l’histoire chinoise s’appauvrit mais son traitement retarde l’éclosion d’un véritable théâtre d’art.
©Yvonne Chan
©Yvonne Chan
Comment préserver le Kunqu aujourd ’hui ?
Zou Yuanjiang
Ce premier article sur le Xiju (ce qu’on appelle en France « l’opéra chinois ») s’interroge sur le fait que les techniques et les formations traditionnelles d’un de ses genres, le Kunqu, soient peu à peu abandonnées bien que le Kunqu soit depuis 2008 inscrit sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Faut-il alors actualiser et réinterpréter les classiques, ou simplement tenter de les préserver en l’état ?
© Fondation Louis Vuitton / Marc Domage
© Fondation Louis Vuitton / Marc Domage
Un rêve de Millet et le nouveau théâtre national
Huang Ying
Ce second article montre comment, en partant d’une histoire écrite au VIIIème siècle, le Rêve de millet, le metteur :n scène Pékinois Huang Ying cherche à la revisiter à l’aide d’une sorte d’anthropologie théâtrale en action, en mêlant ainsi les éléments du Xiju, donc de l’opéra chinois, avec des références occidentales et des techniques de jeu et de mise en scène contemporaines. Yuang Ying fait alors référence au « Mouvement pour un théâtre national » du début du XXe siècle pour ensuite souhaiter le dépasser et explorer, expérimenter, créer, de nouvelles formes hybrides.
©Su Yan
©Su Yan
La « mélodie principale » de la Chine contemporaine
Zhou Jingbo
Cet article définit ce qu’est, en Chine continentale, le « théâtre de la mélodie principale », c’est-à-dire la partie du théâtre contemporain qui correspond à la ligne directrice du Parti, tandis que « le courant principal », lui, est la structure de production qui obtient les subventions nécessaires à la mise en œuvre des pièces officiellement soutenues, ou tolérées, par le régime. Si, dans les trente premières années du régime communiste, les dirigeants donnaient l’idée, le peuple donnait la vie, et l’écrivain (ou l’artiste) la technique, ce modèle de création tente encore, de nos jours, de subsister à travers des créations qui sont ici analysées et commentées : face à la dure réalité, il faut un dénouement heureux, il faut que la mère, la morale et le Parti soient vainqueurs et que la scénographie impressionne…
©Lü Xiaoping
©Lü Xiaoping
L’Invitation du président et la scène chinoise contemporaine
Lü Xiaoping
L’Invitation du président est une pièce récemment écrite par une jeune étudiante, Wen Fangyi, et montée par son professeur, Lü Xiaoping, qui a remporté un incroyable succès non, selon son metteur en scène, parce qu’elle révolutionnait formellement le théâtre, mais parce qu’elle représentait la manière dont les institutions, plus particulièrement universitaires, plient devant le pouvoir aussi bien à l’époque de Tchang Kaï-chek, là où la fiction prend place, qu’aujourdhui…
©Meng Jinghui Studio
Juste pour vivre, l’adaptation de Vivre ! et sa mise en scène
Zhang Xian, Xu Lülun
Cet article commente la reprise, ces tous derniers temps, de la célèbre mise en scène de Meng Jinghui, elle-même étant l’adaptation du roman de Yu Hua (très connu grâce au film de Zhang Yimou), Vivre !, publié en 1993. Ce commentaire porte non seulement sur le passage du roman au théâtre, mais aussi sur la façon dont, aujourd’hui, cette histoire romanesque de la Chine du XXème siècle, peut être représentée et interprétée.
©Festival du Théâtre de Wuzhen
©Festival du Théâtre de Wuzhen
Les spectacles occidentaux et leur impact sur le théâtre chinois
Gong Baorong
L’idée est ici de faire un point général sur les traductions et les adaptations des spectacles occidentaux au théâtre chinois, en commençant par la naissance du théâtre parlé, le Huaju, au début du XXe siècle, et en insistant sur la « nouvelle ère » des années 1980 qui a souligné l’importance d’auteurs comme Ionesco, Genet, ou Beckett. Le nouveau phénomène de ces dernières années est cependant celui qui consiste à inviter des artistes étrangers en Chine, principalement des metteurs en scène, et surtout à inviter des spectacles étrangers et de mettre en place, comme partout sur notre planète globalisée, des festivals internationaux…
©SACD
Adaptations et représentations du théâtre français sur la scène contemporaine à Shanghai
Guo Sijia
Il s’agit ici de montrer comment, sur la scène de Shanghaï, le théâtre français a pu être représenté sous diverses formes. Dans la première partie du XXème siècle, de La Nouvelle Camélia du XXème siècle au Tartuffe, les troupes adaptent d’abord librement le répertoire et, après un rejet des pièces occidentales jugées politiquement dangereuses, les années 1980 voient éclore une série de mises en scène de pièces (traduites) de Sartre, Ionesco, Beckett ou Genet. Le début du XXIème siècle permet de voir une série d’adaptations du même répertoire mais aussi de pièces plus contemporaines (Yasmina Reza), ou l’adaptation d’œuvres littéraires, comme Le Rouge et le noir. Mais ce qui marque la période contemporaine, et l’article ici prend de nombreux exemples, est plutôt la coopération entre les artistes Français et Chinois et la venue des troupes étrangères.
©Théâtre de l’art du Peuple de Pekin
En attendant Godot sur la scène chinoise
Wang Jing
L’absurde, tel qu’il est compris en Chine, est une question politique et le théâtre de l’absurde, dans lequel les Chinois intègrent Beckett et Ionesco en particulier, a donné lieu à bien des combats. Comme le montre cet article, c’est au début des années 60, qu’une collection très officielle de petits livres à couverture jaune, avait pour but de mettre à la disposition de quelques-uns les traductions des pièces dangereuses de manière à les informer de la décrépitude du théâtre français et généralement occidental, mais c’est dans les années 80, que le théâtre chinois a pu s’emparer du théâtre de l’absurde pour le réécrire et le rendre radicalement critique. Enfin, en prenant comme exemple En attendant Godot, Wang Jing montre comment le texte de Beckett a évolué depuis, avant et après Tian Man men.
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